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Le Gamou : le sens d’une célébration

Par Mamarame Seck, PhD

Conservateur du Musée historique du Sénégal à GoréeIFAN Cheikh Anta Diop

La 121-ème édition du Gamou de Tivaouane! Que de chemin parcouru par une célébration au cœur de la controverse.
Plus connu sous le nom de Mawlid an-Nabi, la nuit du Prophète, est célébrée la 12ème nuit du troisième mois (Rabioul Awal) du calendrier musulman par des millions de fidèles dans le monde, qu’ils soient d’obédience confrérique ou pas, sous des formes multiples et variées. Au Sénégal son nom est associé à Seydi Elhadj Malick Sy (RTA), né à Gaya, un petit village au nord-ouest du Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie, vers 1855. Peut-être le nom local, Gamou, donné à cet importantissime événement en fait-il une invention sénégalaise, ou même malikienne, alors que sa réalité transcende nos frontières. A ses débuts, il nous est parvenu de source orale que Seydi Elhadj Malick Sy (RTA) consacrait à cette nuit un récital du saint coran, lui et son compagnon de la première heure Mame Rawane Ngom de Mpal. C’était à Saint-Louis, probablement. Plus tard, à partir de 1902, installé à Tivaouane, Seydi Elhadj Malick Sy (RTA) fit de cette nuit son rendez-vous annuel avec les fidèles venus de partout au Sénégal écouter le message qui les remobilise et raffermit leur attachement à Tivaouane, à la hadra Malikia, et à la Tijaniyya en général. En effet, la confrérie fondée en 1781 par Ahmad Tijânî (1737-1815), un mystique maghrébin, originaire de ‘Ayn Mâdî dans le sud algérien, qui a vécu à Fez où il disparut en 1815, s’est implantée sur l’étendue du territoire national grâce aux nombreux foyers qui y sont affiliés : Thiès, Leona et Medina Baye à Kaolack, Thienaba, Medina Gounasse, le Fouta dans sa diversité, la Casamance, pour n’en citer que quelques-uns. « Celui qui a choisi une seule nuit dans l’année pour s’adresser à ses représentants ou muqaddam et à ses confrères aurait souhaité que tout le monde soit présent », nous rapportait très souvent Elhadj Mansour Sy « Boroom daraji » (RTA) parlant de son grand-père Seydi Elhadj Malick Sy (RTA).
Ainsi le Maouloud s’installa-t-il dans le cœur des sénégalais qui l’ont marqué à jamais dans l’agenda spirituel annuel du pays. A l’instar des autres événements religieux nationaux, le Gamou est un rendez-vous socio-économique et politique majeur.

Certains théologiens trouvent que cette célébration est une innovation dans l’islam (Bid’ha) parce que n’ayant pas existé au temps du Prophète Mouhammad (PSL). Cependant, d’autres théologiens, appartenant généralement à la communauté soufie,  pensent le contraire.

Sur quoi, donc, pourrait-on fonder la légitimité de la célébration du Maouloud?

Il y a au moins trois raisons de source coranique qui pourraient justifier cette légitimité.

La première raison est que le prophète Mouhammad (PSL),  dont on se souvient de la naissance a été choisi par Allah SWT pour être un modèle pour tous les musulmans: 
لَقَدْ كَانَ لَكُمْ فِي رَسُولِ اللَّهِ أُسْوَةٌ حَسَنَةٌ لِّمَن كَانَ يَرْجُو اللَّهَ وَالْيَوْمَ الْآخِرَ وَذَكَرَ اللَّهَ كَثِيرًا

Laqad Kāna Lakum Fī Rasūli Allāhi ‘Uswatun Ĥasanatun

Liman Kāna Yarjū Allāha Wa Al-Yawma Al-‘Ākhira

Wa Dhakara Allāha Kathīrāan

« Certes il y a dans le Messager d’Allah un excellent modèle pour vous

 pour celui qui veut parvenir à Allah

et au Jour dernier

et qui invoque beaucoup Allah » (sourate 33: 21), 

Avant cela, Allah SWT nous avait dit dans un autre verset qu’il nous a envoyé le Prophète pour qu’il soit une miséricorde pour l’humanité:

وَمَاۤ اَرۡسَلۡنٰكَ اِلَّا رَحۡمَةً لِّـلۡعٰلَمِيۡنَ

Wa maaa arsalnaaka illaa rahmatal lil`aalameen
« Nous ne t’avons envoyé « Ô Prophète » qu’en guise de miséricorde pour le monde entier. (Sourate 21 :107)
Se souvenir du Prophète (PSL),  de sa vie,  des débuts de l’islam,  de ses victoires comme de ses difficultés dans la transmission du message à lui confié par le Tout Puissant, ne fait que renforcer notre  connaissance de l’islam qu’Allah SWT nous a choisie et les péripéties de sa diffusion:

اِنَّ الدِّيْنَ عِنْدَ اللّٰهِ الْاِسْلَامُ

Innad diina indal laahil Islaam

« En effet, la religion aux yeux d’Allah est l’Islam » (Sourate 3: 19)

La seconde raison est que la célébration du Maouloud renforce notre amour du Prophète recommandé par Notre Seigneur. Cet amour a fait qu’aujourd’hui, son prénom est le plus répandu dans le monde et au Sénégal parmi les hommes.

Se retrouver parmi des milliers voire millions de fidèles pour chanter les louanges du prophète et prier sur lui est un acte de dévotion majeur mais à condition de le faire dans la stricte observance des principes de la religion tels que défini par Seydi Elhadj Malick Sy (RTA).

La troisième raison prend aussi sa source dans le coran. En effet, N’est-ce pas Le Tout-Puissant qui fut le premier à prier sur le Prophète et qui nous a montré le chemin en disant:

اِنَّ اللّٰهَ وَمَلٰٓـئِكَتَهٗ يُصَلُّوۡنَ عَلَى النَّبِىِّ ؕ يٰۤـاَيُّهَا الَّذِيۡنَ اٰمَنُوۡا صَلُّوۡا عَلَيۡهِ وَسَلِّمُوۡا تَسۡلِيۡمًا‏

Inn Allaha Wa Malaikatahu Yu Salluna Alan Nabi Ya Ayyuhal Laziina Amanu Sallu Alaihi Wa Sallimu Taslima

« En vérité, Allah et Ses anges bénissent le Prophète : Ô vous qui croyez ! Envoyez des bénédictions sur lui et saluez-le avec une salutation digne. » (Sourate 33 : 56-57)

La célébration de la nuit bénie est précédée d’un récital du Burd pendant les dix premiers jours du mois en raison d’un chapitre par jour. En effet, le Burd, est un poème en l’honneur du Prophète (PSL), composé de dix chapitres, écrit au 13ème siècle par l’Imam al-Busiri, un maitre soufi, d’origine berbère, alors qu’il était resté paralysé à la suite d’un accident vasculaire cérébral. On raconte qu’après avoir composé son texte, qu’il recita au Prophète (PSL) pendant un rêve, celui-ci le couvrit d’un manteau et le guérit de sa maladie.

Partout au Sénégal resonne le refrain du poème d’al-Busiri :

mawlaya çalli wa sallim dâ iman abadan

‘ala habîbika khayril khalqi kullihimi

« Mon Seigneur, prières et paix pour l’éternité

Sur ton bien-aimé, le meilleur de l’humanité. » (Burda : 1)

Le Burd plonge le disciple dans l’ambiance du Gamou, célébrée le 12eme jour dans la ville sainte de Tivaouane et dans les autres foyers de la Tijaniyya. Pendant cette célébration, tout au long de la nuit, un chapitre de la biographie versifiée, jamais égalée, de Seydi Elhadj Malick Sy (RTA )sur le Prophète (PSL), le Khilaçu Zahab ou Mimiya, est visitée par ses illustres petits-fils entourés des chanteurs de la hadra Malikia pour le grand bonheur des férus des chansons panégyriques sur le messager d’Allah (SWT) :

Le poème s’ouvre sur cette prière :

وَصَلِّيَنْ يَا إِلَهي وَاجْزِيَنْ أَبَدًا

عَنَّا مُحَمَّدَ اَلْمُخْتَارَ فِي الْقِدَمِ

Wa saliyan ya illahi wadj siyan abadane

Anna mouhammadanal mukhtari fil ghidami….

« Que les deux saluts de notre seigneur soient sur notre prophète (Muhammad) et sur eux éternellement en même temps que sur leurs compagnons…»

A l’aube, le message tant attendu est communiqué aux nombreux fidèles. Il guidera leurs actes et comportements jusqu’au prochain Maouloud Inch Allah.

Bon gamou à vous tous partout où vous soyez au Sénégal et dans le monde!


[1] Confrères désigne ici membres d’une même confrérie (mbokku taalibe)


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